Un truc surprenant quand on débute dans les conversations japonaises, c’est qu’on ne doit pas dire ‘non’. C’est tout simplement impoli quand on vous propose quelquechose, et du coup votre interlocuteur tourne ses phrases de manière à ce que l’on ait jamais à dire ‘non’. Dans les discussions polies évidemment, entre amis ou jeunes décadents ça ne marche pas.
Là où ça devient amusant, c’est dans les izakayas un peu huppées ou qui croient l’être. Il faut imaginer la scène: vous avez un menu sans photos, avec du texte semi-calligraphié ce qui rend même les katakanas difficiles à lire. C’est la grande incompréhension. Après un moment passé à feuilleter le menu, vous choisissez 3-4 plats au hasard, en espérant ne pas tomber sur les brochettes de peau de poulet ou bien le plat d’arêtes de poissons grillées. Le serveur repart après une courbette. Pour le moment, vous avez assuré comme une bête.
Mais le voilà qui revient après une ou deux minutes, avec un air contrit, en fait parcequ’un des plats n’est plus servi. Sauf qu’il n’ose pas le dire, ce n’est pas possible, tout ce qu’on comprend c’est ‘tchotto…’ (‘un petit peu…’). Il attend en fait que de vous même, vous disiez ‘Oh mais pas de problème, on va prendre autre chose, de toute façon j’avais changé d’avis.’ Sauf que si vous êtes en tant soit peu sadique ou bien que vous n’ayez rien compris, vous ne dites rien. Vous restez à l’écouter poliment, attendant la fin de sa phrase qui n’arrivera jamais. Et là il bug: il attend en balbutiant un peu, parfois avec tout le temps les mêmes hochement de tête. La sueur commence à perler à son frond, le déshonneur et seppuku le guettent. Sourire poli (sadique) de votre part. Quand vous comprenez la situation au bout de cinq minutes, il a perdu 3 kilos.
Là où c’est vraiment absurde, c’est que vous ne savez pas ce que vous avez commandé. Donc avec un peu de chance, vous choisissez de nouveau le plat qui manque et là je suppose qu’il s’effondre en larme ou se suicide sur la table. Sinon, la situation est sauvée et le serveur retrouve sourire et confiance dans l’avenir.