Je me souviens d’un de mes anciens professeurs à l’université, qui nous enseignait les bases de la communication scientifique en anglais. Un gars très drôle, tellement bien intégré qu’il pouvait prendre l’accent marseillais.
Ce qu’il nous avait dit m’avait frappé, mais j’avais pu vérifier quelques années après la véracité de ses propos. Et ce n’est pas fini.
« Mesdemoiselles, quand vous irez en conférence, vous vous ferez belles. Les mecs, je vous veux en chemise classe et coiffés. Parceque vous n’imaginez pas le potentiel sexuel que vous avez rien qu’en étant français. Parceque dans l’imaginaire du monde entier, la française est belle, chic, un peu hautaine mais sait être chaleureuse. Donc si vous montez sur l’estrade et que vous êtes habillées en jeans, c’est que vous n’avez rien compris et avez perdu déjà la moitié de l’indulgence de l’auditoire. Pire, on vous prendra pour une allemande.
Mais imaginez, bon sang: le vieux ponte, il a tout vu, même ses vacances le font chier. Il voit arriver une petite français de 25 ans, souriante, pimpante, attachante tellement elle a la trouille. Et même si elle bafouille, même si elle dit une connerie plus grosse qu’elle, il mettra ça sur la jeunesse et rêvera de Paris. Et la question qui l’aurait descendue devant 2000 personnes, il la garde pour lui. Au pire, il l’enverra par mail ou la dira devant son poster, en privé. »
Il avait ensuite ajouté:
« Vous avez pris quoi, vous, comme première langue au collège ? Allemand ou russe, pour être dans une bonne classe, ce sont vos parents qui y ont pensé. Hé bien dans le reste du monde, c’est pareil. Sauf que si l’on veut être dans une bonne classe, ou bien apprendre quelquechose pour faire chic et distingué, on prend français. Donc méfiez vous, car autour de vous tous les gens ont fait du français. Et c’est un moyen de savoir s’ils vous ont à la bonne: ils ne l’ont pas pratiqué depuis 20 ans, mais pour vous faire plaisir ils essaieront de ressortir les trois mots dont ils se souviennent. Accessoirement, dites pas n’importe quoi, car il y a des gens qui vous comprendront. »
Et ô combien il avait raison.
Ca va du ‘O’ de surprise que font les japonaises quand on leur révèle que non, on n’est pas américain, on est français. Et de leurs aveux d’avoir fait du français pendant 2-3 ans et de ne plus se souvenir de rien.
En passant par ‘Vous êtes français ? Est ce que je peux parler avec vous ?’ posé par une noire américaine, dans le grand aquarium d’Atlanta.
Jusqu’au ‘Je préfère marchander avec les français, ils sont plus sympas et on peut discuter’ dit par un marchand de pierres semi-précieuses à Ambositra.
C’est le russe qui m’a accueilli au détour d’un chemin kirghize, par une grande litanie de ‘Michelle ma belle je t’aime Paris’ alors qu’on cherchait du bois pour le feu.
C’est Corsée, Le Maitre et Le Roi qui s’arrêtent pour la nuit dans un village Tadjik, sont invités dans la seule maison en dur, et découvrent que le propriétaire est un admirateur de Chateaubriand (véridique, je n’invente rien). Il avait toute son oeuvre en russe et français, alors que les trois français n’en savaient pas une ligne. Il passait environ un touriste par an dans ce village.
C’est, invité par quelqu’un que l’on ne connait ni d’Eve ni d’Adam et que l’on ne reverra jamais, regarder un enregistrement de la finale de la coupe du monde 98, sur une vieille VHS cahotante d’avoir trop servie, en plein milieu du Tadjikistan. Surtout, ne pas dire que l’on n’aime pas le foot.
Bref, pour reprendre certains commentaires dits dans le précédent post, oui, être français est un avantage considérable quand on voyage (à quelques exceptions près). C’est pas qu’on peut sauter tout ce qui bouge ou faire n’importe quoi, c’est que dans une situation donnée on part automatiquement avec un avantage. Du coup, on a la responsabilité d’entretenir le mythe, évidemment. Faut apprendre à faire le baise-main :]
Et sinon, sur Tokyo, il neige. A gros flocons. Souriante n’avait jamais vue la neige, on l’a mise minable lors du déjeuner…
